Les médias indépendants dans la lutte populaire de Oaxaca Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
Écrit par Administrator   
05-03-2008

Ce texte a été écit par un acteur de Mal de Ojo TV le 10 décembre 2006

 

La marginalisation et les médias

La pauvreté et la marginalisation de l’état de Oaxaca au Mexique sont de tristes réalités profondément enracinées au sein de sa population. Avec les états du Chiapas et  de Guerrero,  Oaxaca continue de figurer parmi les 3 plus pauvres du pays.

Les médias de masse sont au service du pouvoir et ne prennent absolument pas en compte les besoins de la majorité des mexicains dans les domaines de l’information et de la communication. Cette situation injuste est également profondément enracinée au Mexique et dans bien d’autres pays.

Certaines barrières hégémoniques sont difficiles à faire tomber. La Ley de Radio y Televisión du Mexique ne permet aucun type de communication autre que celle imposée et contrôlée par les entreprises et le gouvernement. Depuis plusieurs années, divers secteurs de la société civile ont essayé de faire changer la législation  mais un appui politique leur fait défaut.

Cette situation a des conséquences dépassant les aspects purement formels et esthétiques ; aux niveaux culturels, sociaux et économiques, la suppression des médias dans les secteurs marginalisés de la population alimente l’exclusion, renforce le racisme et perpétue la marginalisation.

Actions existantes avant le conflit

    Le manque d’accès aux  médias de masse a donné naissance à des actions menées par des communautés et des organisations civiles. Leur principale réalisation fut l’installation d’un grand nombre de radios communautaires dans divers états du Mexique, et notamment dans celui de Oaxaca. Plusieurs de ces projets ont été persécutés, fermés, leurs gérants et techniciens condamnés, mais malgré cela le nombre de radios continue à augmenter.

Un long et important travail a également été réalisé dans le domaine de la vidéo et d’Internet. Plusieurs organisations, depuis de nombreuses années, ont conseillé, formé et produit afin que la radio, la vidéo, la presse et Internet puissent offrir des alternatives citoyennes différentes à ce qui était proposé par les entreprises et le gouvernement. Ces initiatives devinrent les diffuseurs et  les médias indépendants qui propagèrent l’information concernant la lutte des peuples de Oaxaca. Ceux-la même qui aujourd’hui sont durement persécutés par les forces de l’ordre.

Le début du conflit, le début de Mal de Ojo

Bien avant le début du conflit, la section oaxaquègne  du Syndicat National des travailleurs de l’éducation avait mis en place Radio Plantòn. Cette radio qui émettait depuis la ville de Oaxaca possédait un auditoire considérable, constitué de personnes désirant écouter de nouvelles voix, idées,  concepts et  des informations alternatives ; une radio avec laquelle elles pourraient participer activement et entendre aussi des critiques et des questionnements faits au gouvernement en place.

Lorsque la police de l’état voulut déloger violemment les enseignants en grève dans le centre-ville de Oaxaca, un des points principaux de leur stratégie d’attaque fut les installations de Radio Plantón. Mais avant cela, la radio eut le temps d’avertir la population des mauvais traitements et des agressions dont les enseignants étaient la cible. Un grand nombre de groupes et d’organisations ont immédiatement répondu à l’appel et ils rejoignirent les enseignants. Grâce à cet appel populaire, diffusé par Radio Plantón, la force civile a réussi à faire reculer la police.

La destruction de la radio fut extrêmement violente. L’équipement fut détruit et les personnes brutalement frappées. La police laissa des armes dans les installations pour faire croire qu’elles étaient déjà là et ainsi pouvoir arrêter les principaux gérants de Radio Plantón.

Tous ceux qui travaillent comme nous pour les médias indépendants furent témoins de la violence extrême des actions policières et lorsque les médias officiels et commerciaux qualifièrent de pacifique l’expulsion, ce fut l’indignation générale. Nous avons pris nos caméras, nos appareils photos, nos micros et nos magnétophones pour enregistrer tout ce qui était en train de se passer.

Le collectif  Mal de Ojo Televisión surgit aussi rapidement et spontanément que l’avait fait l’APPO. Constituée de personnes et d’organisations liées aux médias indépendants, notre action consiste à  soutenir la lutte du peuple de Oaxaca contre le gouvernement en rassemblant des informations et en communiquant en sa faveur ; en offrant des informations alternatives et en essayant de contrecarrer dès la source les informations diffusées par les médias officiels eux même à la botte des gens de pouvoir et d’argent.

Parmi nos premiers enregistrements, il y eut les agressions de la police, la mobilisation de centaines de milliers de personnes en colère, indignés, manifestant en nombre et énergiquement. Nous avons également donné la parole à ceux ayant été blessés, torturés et frappés et nous avons mis en évidence les manipulations mensongères du gouvernement sur les médias qu’il contrôlait.

Nous avons mis en ligne tout ce matériel : vidéos, reportages audio phoniques, photos et document écrits. Nous avons également fait quelques copies que nous avons distribuées aux gens intéressés par ce matériel. Ainsi beaucoup de personnes dans le monde purent connaître la vérité sur le conflit de Oaxaca.

À notre grande surprise, nous nous sommes rendus compte que les vendeurs de films « pirates », c’est à dire illégalement copiés, s’étaient accaparés notre DVD et vendaient des centaines voire des milliers de copies. Les gens de Oaxaca se rassemblaient autour des étales dans la rue des revendeurs pour voir sur les télévisions des images qu’ils ne pouvaient voir ailleurs. Un journal alla jusqu’à commenter que les vidéos des médias indépendants se vendaient comme des petits pains.

Les médias jouent un rôle extrêmement important dans la lutte de Oaxaca. D’un coté, le gouverneur de Oaxaca et le gouvernement fédéral tentent de minimiser l’affaire et de faire passer les gens de l’APPO pour un groupuscule de radicaux et de délinquants. En résume, selon eux, tout va bien à Oaxaca. De l’autre, Les médias indépendants dévoilent ces mensonges.

Nous savons que plusieurs groupes, dont quelques communautés indiennes croyant aux messages d’Ulysse, étaient prêts à le soutenir. Mais lorsqu’ils ont vu le travail effectué par les médias indépendants, ils ont changé d’avis et ce sont joints à la lutte populaire.

Au début, les médias locaux n’ont pas donné l’opportunité à l’APPO de faire connaître leurs objectifs et leurs demandes. Les journalistes locaux et nationaux transformaient l’information pour  dénigrer le mouvement. L’APPO a alors décide de s’emparer de plusieurs médias de communication dont la radio de la Universidad Autónoma de Oaxaca, la radio et la télévision de l’état de Oaxaca ainsi que quelques radios privées.

Ces médias ont permis à la communauté citoyenne d’être informée des mobilisations et des stratégies de résistance mais également de savoir comment se défendre lors des actions violentes dirigés ou incités par le gouvernement.

À plusieurs reprises, on essaya de freiner la propagation de l’information concernant l’APPO. À Radio Universidad, de l’acide endommagea le matériel. La radio et la télévision de Oaxaca subirent de graves avaries suite à l’intervention d’un groupe masqué qui cribla de balles le transmetteur avec des armes puissantes. Plus tard, les radios commerciales ainsi que Radio Universidad furent constamment coupés par des interférences provenant de fréquences clandestines.

Ils nous attaquent avec nos propres armes

Les médias alternatifs étaient tellement efficaces qu’Ulysse décida d’appliquer la même technique. Tout d’abord, ils créèrent un site Internet mettant en ligne les photos, les noms et les adresses des personnes les plus en vue du mouvement. Ainsi ils incitèrent la population à aller les chercher pour les agresser ou incendier leurs maisons.

Ensuite, ils installèrent une radio « clandestine » qu’ils appelèrent « Radio Ciudadana » (NDT radio citoyenne ). Elle envoyait des messages de haine aux membres et aux sympathisants  de l’APPO et donnait le nom des personnes et des organisations les plus actives dans la lutte ainsi que ceux de leur famille afin de leur faire du mal.

Les médias indépendants étaient une des cibles de la calomnie. Le nom de certains intervenants furent communiqués. On conseillait de tuer les personnes utilisant une caméra et plus particulièrement s’il paraissait d’étranger.

Ils ont déjà tué un intervenant et frappés plusieurs. Un autre est emprisonné à Nayarit pour le simple fait de prendre des photos, filmer et enregistrer une confrontation entre policiers et civils.

Les gens qui travaillaient déjà dans les médias alternatifs que ce soit la radio, la vidéo ou Internet se sont engagés activement à enregistrer et faire connaître la lutte, les intentions, les réussites et les abus subis.

Après que l’intervention policière nous ait ôté nos droits individuels, à présent elle persécute également les médias indépendants.

Les médias Ojo de Agua et Indymedia Oaxaca sont fortement menacés. Les membres des deux groupes ont été obligés de se cacher après avoir été averti que la police avait ordre de les arrêter de n’importe quelle manière.

Nos bureaux et les maisons de plusieurs d’entre nous sont surveillés par des policiers se cachant derrière les vitres polarisées de leurs camionnettes sans marques. Un membre de Ojo de Agua a dû quitter la ville parce qu’il a su à temps qu’il allait être arrêté. Un autre  intégrant  de Ojo de Agua et un d’Indymedia sont également recherchés.

Nous avons peur et on ne sait jamais ce qui va nous arriver,  à nous ainsi qu’à nos familles.

Pourtant, nous sommes convaincus qu’il faut continuer cette tâche, nous sentons que notre travail attire les regards oaxaquègnes  et étrangers vers notre peuple et génère ainsi de nouvelles formes de solidarités, renforce la résistance et finalement permet les changements que nous désirons, pour Oaxaca mais aussi pour le monde entier.
 
Dernière mise à jour : ( 05-03-2008 )
 
Suivant >
XHTML 1.0 CSS 2.0